Erna Hennicot Schoepges : Le 30ème anniversaire des Itinéraires culturels du Conseil de l'Europe
Membre de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe entre 1984 et 1989 j'ai découvert une institution sous-estimée de par sa créativité et ses visions d'avenir. J'ai fait parti de deux commissions: "culture et éducation" et "migrations".
Notre commission des migrations était la première à visiter Chypre en 1984. Les barbelés à Nicosie où les troupes onusiennes montaient la garde témoignent encore aujourd'hui la déchirure d'un conflit ethnique et culturel.
La commission culture avait entamé, dans le cadre du
programme de l'année européenne de la musique 1985, déclarée par le Parlement
Européen en 1980, pour fêter l'anniversaire de naissance de Jean Sébastien Bach,
Georg Friedrich Haendel et Domenico Scarlatti, un grand rapport sur la musique, appelé "Son et vie privée" dont j'étais rapporteur.
La Commission culture a lancé grâce à l'acharnement de son président Günther Muller l'idée de l'itinéraire culturel de Saint Jacques de Compostelle. Ce premier grand chemin devait réapprendre aux citoyens européens leur histoire d'antan. Les pèlerinages ont joué un rôle non négligeable au cours de l'histoire de l'Europe.
Le souci de la commission était de sauvegarder cette mémoire. Comment mieux le faire que par cette initiative de réactiver toutes les étapes, aussi bien du point de vue de la spiritualité y liée, que de la découverte de l'histoire commune à travers ses paysages et ses monuments.
Les frontières
géographiques et linguistiques, transgressées par l'effort personnel de chaque
pèlerin, à travers les contacts qu'il a eus et les rencontres parfois
exceptionnelles, c'est devenu une aventure, mais aussi un resourcement.
Il fallait créer des structures et mettre en oeuvre le
projet, d'où la création de règles pour l'attribution du label "Itinéraire
culturel du Conseil de l'Europe". Une signalétique qui devait identifier l'institution
avec des projets destinés et souvent initiés par les citoyens a été mise en
place. Chacun des 32 itinéraires a sa propre histoire, sa raison d'être et son
histoire de l'élaboration.
L'itinéraire de Saint Jacques de Compostelle est
documenté dans de nombreux écrits de pèlerins, témoignages émouvants
d'expériences personnelles. Au Luxembourg cet itinéraire a connu - et connaît
toujours - un grand succès. Une association de pèlerins s'est formée. L'un des
premiers à s'engager, M. Adrien Ries, avait, par des interviews diffusées sur
RTL, commenté toutes ses étapes et publié à son retour son histoire vécue.
Mes relations avec le Conseil de l'Europe avaient, après mon mandat de Parlementaire, des suites situées au niveau de la Présidence de la Chambre des Députés (1989-1995) et au Gouvernement (1995-2004).
La question de supprimer ce programme était tranchée par un accord entre le Gouvernement du Grand Duché de Luxembourg et l'administration du Conseil de l'Europe. La création d'une agence technique au niveau administratif et l'accueil de l'institut à Luxembourg en 1998.
Guy Dockendorf et Michel Thomas Penette, ont
été les témoins et artisans de cette initiative.
Ministre de la Culture et des Travaux Publics à
Luxembourg j'étais en charge de la conception et de la rénovation du grand
projet de l'Abbaye de Neumünster. Conçu comme centre de rencontre, d'après le
modèle des abbayes restaurées en France, sous la présidence de Jacques Rigaud,
cet espace pouvait aussi accueillir des résidents permanents. C'était le moment
d'offrir des locaux dignes à l'institut
du Conseil de l'Europe.
Lors de mon mandat de Députée au Parlement Européen de
2004 à 2009, je me suis encore engagée pour les itinéraires culturels. Peu de
projets culturels de la Commission Européenne présentaient une telle
polyvalence! En faisant appel à d'autres
secteurs, comme le tourisme, la recherche historique, la documentation sur la
culture on aurait pu agrandir leur impact et leur attractivité à un public plus
grand. A cette fin il aurait fallu doter les itinéraires et leurs structures de
gestion de moyens financiers substantiels, et leur adjoindre des partenaires
puissants dans les domaines énumérés. Mes entrevues avec Robert Palmer au Conseil
de l'Europe et avec Odile Quintin à la Commission Européenne n'ont cependant pas
abouti.
Une coopération effective des deux institutions ne
semblait pas évidente à l'époque.
L'accord partiel de 2010 entre le Conseil de l'Europe,
l'administration du Ministère de la Culture Luxembourgeois, ainsi que les
partenaires des gouvernements associés, mit fin à une période périlleuse de
mise en cause. Toutefois ce n'était pas encore la fin de toutes les
incertitudes. L'histoire plus récente, que je n'ai suivie que de l'extérieur,
témoigne, qu'à force de la volonté des convaincus, ce 30e anniversaire pourra
célébrer, je le souhaite, une relance de cette grande idée initiée par la commission
parlementaire du CE en 1987.
L'itinéraire qui m'a le plus touché, à part celui de Saint Jacques, est celui de Saint Martin. Démarrant à Szombathely en Hongrie, il passe par le Luxembourg, à Niederanven, pour aboutir à Tours, trois villes liées à mon parcours personnel!
Par ailleurs l'histoire de ce soldat qui partage son manteau avec un pauvre, n'est-elle pas symptomatique pour les temps qui courent? Elle transmet le legs d'un passé qui devrait nous interpeller à plus d'un titre.
La célébration du 30e anniversaire du premier
itinéraire du Conseil de l'Europe est donc une excellente occasion pour
commémorer cette histoire collective et personnelle.
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