Gabriella Battaini-Dragoni Mai 2006 cérémonie à Delphes. Itinéraire culturel Routes de l'Olivier
Excellences,
Mesdames et messieurs,
Chers amis et collègues
« Partout,
à l'infini, des oliviers massifs, énormes, ventrus ou creusés de fissures
profondes, bosselés, tordus, craquelés, éventrés, évoquant de façon saisissante
des gnomes monstrueux, la face ricanante et figée d'esprits des bois englués en
ces arbres, comme des héros transformés en plantes et immobilisés à mi-chemin
de leur métamorphose. »
C’est ainsi que l’écrivain français Jacques Lacarrière, cet amoureux de la Grèce récemment disparu évoquait dans son langage riche et baroque la mer d’oliviers qui s’étend au pied du Mont Parnasse.
En
effet, lorsque nous évoquons l’olivier, comme la vigne ou le blé, nous touchons
au plus profond d’un symbole fondamental des civilisations de la Méditerranée,
devenu un symbole universel de paix.
Nous évoquons aussi un fondement de la nourriture des peuples qui se sont installés sur ses rivages, mais nous ne pouvons oublier que l’olivier, son fruit et surtout l’huile qui en est extraite ont une valeur sacrée, (une valeur d’onction ?) que les trois religions monothéistes ont adoptée.
Si j’en crois les mythes grecs, l’olivier est aussi ce que Zeus choisit dans l’arbitrage qu’il devait rendre entre Pallas Athéna, symbole de la sagesse, mais aussi déesse de la guerre et Poséidon, dieu de la mer, pour la possession de l’Attique. D’un côté, le cheval né de l’écume des vagues et de l’autre la naissance d’un arbre dont Zeus considéra qu’il était le plus utile cadeau fait aux mortels.
Du
symbole de la guerre, la lance d’Athena, naît le symbole de la paix qui est
choisi pour le bonheur des hommes.
Je
ne saurais trop insister sur le fait que dans l’esprit des promoteurs des
Routes de l’Olivier, itinéraire culturel qui nous réunit aujourd’hui dans un
paysage aussi superbe, 6000 ans après la domestication de cet arbre sauvage,
l’esprit de dialogue et de paix entre les pays de la Méditerranée est une
recherche fondamentale.
Lorsque
je considère les parcours qui ont débuté en 1999 dans l’ancienne ville de Pylos
où ont été découvertes les tablettes comportant l’idéogramme de l’olivier qui a
été adopté pour marquer ces route contemporaines, je suis impressionné de
constater combien de frontières ont été franchies sur les milliers de
kilomètres parcourus.
Des
frontières qui se sont récemment réouvertes entre les pays des Balkans, ou des
frontières conflictuelles – je pense à l’Algérie et au Maroc - que ce symbole
même a aidé à franchir ou encore des lieux marqué par des gestes d’apaisement,
.comme dans la plantation d’un olivier dans la ville
d’Ar-Rutbah en Irak, quelques jours avant le début du conflit.
Je
ne peux ignorer que l’équipe remarquable qui a créé cet itinéraire a réalisé le
long de ces parcours un travail scientifique d’identification, un travail de
reportage photographique dont nous avons le témoignage et le résultat dans les
publications qui ont été produites. Mais ce travail s’est doublé d’une aventure
sportive et d’une forte volonté d’ouvrir des chemins et ceci dans l’esprit des
valeurs portées par le Conseil de l’Europe.
Derrière
cet aspect symbolique dont chacun est conscient et ce travail remarquable dont
je tiens à remercier personnellement Monsieur Georges Karabatos, Président de
la Fondation et Madame Marinella Katsilieri, Directeur scientifique, nous
touchons aussi à la protection et à la valorisation du patrimoine dans toutes
ses dimensions.
Une
dimension paysagère constitutive de tous les pays impliqués, des rives de la
Méditerranée aux paysages de la Toscane, des grandes plaines de Castilla-La
Mancha aux territoires d’Al-Andalus, pays qui en accord avec la Convention
Européenne du Paysage, travaillent ensemble à cette « intelligence du
paysage » et à la mise en œuvre pratique d’une démocratie paysagère
souhaitée par les pays signataires de la Convention.
Une
dimension matérielle aussi, qui porte témoignage des technologies mises au
point pour extraire l’huile, pour la conserver ou pour la transporter.
Il
est également pour nous très important que cet itinéraire ait été porté dès son
origine par des villes portuaires et des chambres de commerce qui ont souhaité
qu’une activité agricole et commerciale contemporaine trouve ses lettres de
noblesse dans la conservation du patrimoine génétique des variétés anciennes,
du patrimoine culturel des moulins ou des huileries historiques, sans oublier
le patrimoine immatériel des savoir faire dont nous avons toujours besoin, des
fêtes et les traditions qui continuent à réunir les villages et les communautés
agricoles autour de cet arbre fondamental.
Le
programme des itinéraires culturels du Conseil de l’Europe décidé
volontairement par notre Organisation à la fin des années quatre-vingt dans un
esprit de dialogue par le voyage, continue chaque année depuis presque
vingt-ans à susciter des initiatives qui en renouvellent et en approfondissent
le propos. Les Routes de l’Olivier nous aident à « Repenser la
Méditerranée des deux rives » comme le disait déjà Fernand Braudel.
Cette relecture des paysages où s’est écrite l’histoire d’un des berceaux de l’Europe, lecture qui invite au parcours et au voyage, vient compléter d’autres initiatives déjà reconnues dans ce programme, celles qui touchent au monde séfarade, à l’histoire des Phéniciens, eux-mêmes propagateurs de l’Olivier, au dialogue entamé le long des Routes d’Al-Andalus dans la péninsule ibérique, au Maghreb et même en Afrique Noire, ou ceux qui sont en cours d’étude sur le monde byzantin, les corridors culturels du Sud Est Européen, les routes fluviales et maritimes des Balkans.
Un itinéraire qui reçoit aujourd’hui une mention n’est donc pas un itinéraire isolé. Il contribue au contraire à compléter le récit vivant de l’histoire de l’Europe que des Européens qui veulent montrer concrètement leur identité, présentent à d’autres Européens qui souhaitent retrouver des racines communes.
Je tiens donc à exprimer ici mes remerciement à tous ceux qui, à la Direction Générale responsable de l’enseignement, de la culture, du patrimoine, de la jeunesse et du sport, font en sorte, avec l’Institut Européen des Itinéraires culturels accueilli par le Grand-Duché de Luxembourg, d’accompagner et de mener à leur terme avec les porteurs de projet des propositions de plus en plus riches et pertinentes pour ce qui concerne les valeurs défendues par notre Organisation.
C’est aussi sur la base de la conservation active de la mémoire du programme, de l’analyse de toutes les initiatives qui sont suivies au jour le jour à Luxembourg, des rencontres organisées par l’Institut entre les porteurs de projets, que se réalise la complémentarité des projets territoriaux que j’évoquais tout à l’heure.
La remise d’une mention de Grand itinéraire culturel à un thème nouveau, consacre non seulement la dimension, l’ambition et la qualité de celui-ci, mais aussi l’imagination et parfois la grande audace des porteurs de projet.
C’est
pour ceux qui le font vivre et vont le développer une consécration, mais aussi
un point de départ pour la suite d’une grande aventure dans la famille des
itinéraires culturels du Conseil de l’Europe.
C’est donc avec un très grand plaisir que je vous remets, sur le territoire même où votre initiative a pris naissance et où elle s’enracine, le diplôme de « Grand itinéraire du Conseil de l’Europe ».
Clichés Ministère de la Culture grec et MTP.
Commentaires
Enregistrer un commentaire