La recherche des racines. Itinéraire culturel : tourisme de mémoire (6). Michel Thomas-Penette. Le Jeudi 11 juillet 2011.
Dudelange. Visite et exposition. Petite Italie et Gare - usine. Mai 2004. Clichés MTP.
Voyager pour retrouver la terre des ancêtres est un phénomène ancien qui concerne tous les migrants, quelles que soient leurs origines géographiques et sociales. Il s'agit là aujourd'hui d'un phénomène touristique qui a trouvé ses sites d'interprétation, ses agences et ses itinéraires culturels.
Depuis le Luxembourg jusqu'aux États-Unis, les quartiers nommés « Petite Italie » sont nombreux. Les quartiers chinois où se côtoient boutiques et restaurants, de Paris à Toronto ou à New York, ont été malheureusement relayés dans l'actualité de la misère par des espaces en déshérence où se concentrent des populations migrantes, africaines ou asiatiques le plus souvent logées dans des conditions précaires. Dans l'histoire de l'Europe, l'installation des migrants dans le long terme s'est accompagnée d'un enrichissement des cultures et des patrimoines, grâce à une confrontation féconde où les traditions des uns se marient aux traditions des autres.
Visite de Dudelange. Mai 2001. Cliché MTP.
C'est le cas des migrants polonais et italiens dans le Nord minier de la France et de la Belgique, des ouvriers de la sidérurgie dans le transfrontalier entre la Lorraine et le Grand-Duché de Luxembourg, ou encore des Turcs venus chercher du travail en Allemagne, pour ne pas parler des Saxons de Transylvanie qui ont émigré au Moyen Âge.
Cette mise en évidence des circulations et des brassages constitue le sujet même de l'itinéraire du patrimoine des migrations reconnu par le Conseil de l'Europe et mis en place grâce au travail du Centre de documentation sur les migrationshumaines de Dudelange et de l'Association of European Migration Institutions.
DE POLSKE JØDERS FLUGT I 1968
Concertées,
grâce à des accords entre les États, ou plus « sauvages », les migrations ont eu
aussi pour origine la pauvreté rurale, voire la famine. Elles peuvent résulter
des guerres, des phénomènes de racisme, comme les pogroms contre les juifs qui
se sont régulièrement répétés dans l'histoire de l'Europe jusqu'à la Shoah, qui
en a constitué la plus tragique rationalisation.
Un autre
itinéraire culturel du Conseil de l'Europe établi dans un corridor culturel est
ouest, la Via Regia, en témoigne ainsi fortement.
Routes to the
Roots
Depuis une
vingtaine d’années, ce sont surtout les lieux de l'émigration vers les États
Unis qui ont reçu une grande attention, s'accompagnant de la valorisation, sous
forme de musées et de sites d'interprétation, des lieux de départ des migrants :
par exemple les gares et les quais des ports.
La ville hanséatique de Bremerhaven est certainement celle qui a le mieux pris en compte la nécessité de valoriser et de proposer aux touristes cette histoire significative qui marque de nombreux ports de la Baltique, de l'Atlantique et de la Méditerranée, de Hambourg à Marseille et de Palerme au Havre.
Mais le plus grand développement touristique provient de la démarche d'agence intitulée « Routes to the Roots », qui est proposée aux descendants des émigrants allemands et combine à la fois la recherche généalogique et la visite des lieux d'origine. Elle a reçu dès 1994 un des prix de la Commission européenne pour l’année européenne du tourisme.
Le tourisme vers les racines est également proposé pour les émigrés d'origine luxembourgeoise qui conservent vivants aux États-Unis, grâce au travail d'assistance technique du ministère de la Culture, des patrimoines bâtis dont le style est fortement lié à leur origine rurale.
Cette forme de tourisme, dont le succès est indéniable, n'est de fait qu'un symptôme des évolutions plus générales du phénomène touristique vers la durabilité et la recherche de l'authenticité.
L'argument marketing du caractère authentique se fonde parfois sur la recréation de mythes et la fabrique d'identités rêvées. Mais, comme le suggère Étienne Pauchant :
« Vous avez
dit authentique ? », revue Espaces, mars 2000), « l'authenticité
garantit la différence, à condition que chaque région authentique ait suivi son
propre chemin d'évolution ».
Entre recherche des origines et découverte des effets de la modernité, le tourisme vers les racines, véritable tourisme de citoyenneté et de mémoire, est certainement celui qui nécessite, grâce à l'interprétation ouverte des lieux de visite, la mise en perspective et la prise de conscience qu'une identité constante évolution.
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