Les itinéraires culturels du Conseil de l’Europe entre patrimoine, culture et tourisme : Passé, présent et avenir. Michel Thomas-Penette. Pontevedra. 26 mai 2011. Réunion CARP.

 




Un peu d’histoire

 

Le programme des Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe a été préparé entre 1984 et 1987 à la suite d’une Résolution politique de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe. Il a été adopté et mis en œuvre à partir de 1987 au sein du Conseil de la Coopération culturelle et sa visibilité politique a été affirmée par une réunion et une Déclaration à Saint-Jacques de Compostelle en octobre 1987, en présence de ministres de la culture des pays membres du Conseil de l’Europe.

Il s’agit donc d’un programme européen de très longue durée qui a connu, de ce fait, différentes phases en ce qui concerne les formes de gouvernance, la méthodologie de mise en œuvre, les modalités de son financement, les coopérations qu’il a engagées avec d’autres organisations internationales, ou encore en ce qui concerne les Règles même d’attribution de la mention. 

La création récente d’un Accord Partiel élargi ouvre, depuis le début 2011 une nouvelle phase de cette aventure européenne hors du commun.

 



Cliché APE


Il n’en reste pas moins qu’après une phase expérimentale, de recherche et de développement, les Règles qui gouvernent le programme depuis 1998 et ceci malgré des changements accentuant en particulier son rôle et son impact en termes touristiques et de développement économique, reposent sur  trois grands chapitres : l’importance des valeurs européennes portées par le thème, la diversité des actions mises en œuvre à partir de ce thème et enfin l’engagement à long terme du réseau européen qui en prend la responsabilité.

 

Le thème

 

Si les notions de parcours transfrontaliers, voire transcontinentaux, de mise en réseau multiculturelle de patrimoines communs constituent de toute évidence les soubassements du programme, la lecture européenne du thème proposé demande un travail exigeant. Il s’agit en effet d’examiner comment et combien ce thème permet d’aider les citoyens d’un continent en voie d’intégration économique à retrouver leur histoire et leur mémoire communes. Autrement dit, comment les voies de pèlerinage ou les ports, mais aussi les monastères et les bassins industriels ont structuré et aménagé le territoire rural et urbain européen et facilité ou favorisé les échanges d’idées, de valeurs, de biens et de population. 

Ou encore comment un thème comme celui du patrimoine des migrations ou celui de la Route de la Paix peuvent aider à la réconciliation et à la restauration de la sécurité démocratique dans un espace qui sort d’un conflit ou d’une longue coupure politique. Mais la manière dont les artistes ont changé le regard des Européens sur le paysage qui les environne, dont des intellectuels ont révolutionné l’idée même des rapports sociaux, dont certains personnages réels ou imaginaires peuvent, par les récits de leurs voyages, nous donner des clefs de lecture sur l’évolution de l’espace européen, constituent autant de gages que la narration du thème proposé sera riche et propice à des approches touristiques diversifiées.

 

Les catégories d’actions

 

Cinq grands domaines d’action sont prévus par le Règlement et les exemples d’application sont suffisamment explicites dans le Règlement pour qu’on puisse les citer intégralement.

Coopération en matière de recherche et de développement

Dans ce champ d'action, les projets doivent :

 

– jouer un rôle fédérateur autour de grands thèmes européens, permettant ainsi de réunir des connaissances dispersées ;

 

– éclairer la manière dont ces thèmes sont représentatifs de valeurs européennes partagées par plusieurs cultures européennes ;

 

– illustrer la manière dont ces valeurs se sont déclinées et les diversités dans lesquelles elles se sont incarnées en Europe ;

 

– se prêter à une recherche et à une analyse interdisciplinaire au niveau tant théorique que pratique.

Pour atteindre de tels objectifs interculturels, il faut bien entendu mettre en avant plusieurs notions implicites :

-        celle de la recherche de l’authenticité, ce qui veut dire l’utilisation de toutes les sources, la rencontre des disciplines complémentaires nécessaires à l’exploration complète du contexte européen du thème ;

-        celle de la confrontation des perspectives culturelles et politiques multiples qui entourent les objets matériels et immatériels qui font partie de l’itinéraire, en particulier pour ce qui concerne les différences de points de vue religieux, nationaux et identitaires, ou encore les points de vue des différentes générations… ;

-        celui de l’impact contemporain du thème sur la compréhension de l’Europe, de ses difficultés d’intégration et de dialogue, sur la résurgence possible de conflits politiques et la résolution de conflits sociaux ;

-        ou encore celui des faisabilités du thème à incarner des actions dans les différents champs proposés, en particulier en termes de politiques culturelles et de produits touristiques.


Cliché CARP


Valorisation de l’histoire, de la mémoire et du patrimoine européens

Dans ce champ d'action, les projets doivent :

 

– valoriser les patrimoines matériels et immatériels, expliquer leur signification historique et mettre en évidence leurs correspondances dans les différents territoires européens ;

 

– prendre en compte et promouvoir les chartes, conventions, recommandations et travaux du Conseil de l'Europe, de l'UNESCO et de l'ICOMOS concernant la restauration, la protection et la valorisation du patrimoine, le paysage et l’aménagement du territoire ;

 

– repérer et valoriser des espaces et des sites patrimoniaux européens autres que les monuments et sites exploités habituellement par le tourisme, en particulier dans les territoires ruraux, mais aussi dans les espaces industriels en voie de reconversion économique ;

 

– prendre en compte les patrimoines matériels et immatériels des minorités ethniques ou sociales en Europe ;

 

– contribuer, par des formations appropriées, à sensibiliser les décideurs, les acteurs de terrain et les publics à la notion complexe de patrimoine, à l'exigence de sa protection, de son interprétation et de sa communication dans un cadre de développement durable et aux enjeux qu'elle représente pour l'avenir européen.

 

L’examen des différentes exigences inscrites dans cette catégorie d’action met bien en avant la notion de narration.

Ces exigences insistent sur le choix des patrimoines et de leur contexte, mais elles donnent également des repères sur la manière de structurer le récit proposé dans le contexte d’une interprétation européenne.

Il doit s’agir d’un récit ouvert sur l’autre, un récit fait de découvertes et de redécouvertes, souvent symboliques, un récit riche en perspectives situant non seulement le contexte historique et mémoriel des patrimoines choisis, mais en les mettant aussi en perspective dans les contextes géopolitiques qu’ils ont traversés, y compris s’ils ont été l’objet de conflits ou de controverses quand ils ont été constitués, ou s’ils ont fait l’objet d’instrumentalisations, d’appropriations identitaires ou de confiscations.

Et enfin il s’agit d’un discours pédagogique qui donne à lire ce que veulent dire concrètement le respect et l’application des Conventions sur la conservation et la restauration ou encore la valorisation de ces mêmes patrimoines dans les contextes culturels et sociaux des différentes époques qu’ils ont traversées, y compris bien entendu, leur place, voire leur réemploi aujourd’hui.

Il s’agit certainement du critère le plus difficile à appliquer car il demande à la fois un très bon dialogue et une très forte collaboration entre les chercheurs et les médiateurs, tout comme une grande exigence dans la nature et le fonctionnement des outils de communication et d’information, qu’ils soient classiques : brochures et guides ou qu’ils fassent appel aux nouvelles technologies de l’information. Sans oublier la formation des médiateurs du patrimoine, des guides accompagnateurs et des guides interprètes et de tous les réceptifs qui sont au contact direct du public.

Cette exigence de valorisation, qui passe d’abord par la prise de conscience de la nécessité d’une médiation en termes européens, nécessite aujourd’hui une sensibilisation et / ou une formation des acteurs qui reste, dans presque tous les pays d’Europe, très embryonnaire.



Cliché MTP.


Echanges culturels et éducatifs des jeunes Européens

Dans ce champ d'action, les projets doivent :

 

– prévoir l'organisation d’actions avec des groupes de jeunes afin de susciter des échanges en profondeur visant le développement de la notion de citoyenneté européenne, enrichie de ses diversités ;

 

– favoriser les expériences personnelles et réelles par l'utilisation des lieux et les contacts ;

 

– favoriser le décloisonnement en organisant des échanges de jeunes venant de milieux sociaux et de territoires européens différents ;

 

– constituer des actions pilotes avec un nombre limité de pays participants et se donner les moyens d'une véritable évaluation afin de proposer des prototypes susceptibles de devenir des modèles de référence ;

 

– susciter des activités de coopération qui impliquent des institutions de formation à différents niveaux.

 

Il s’agit là aussi d’un champ peu exploré et dans lequel les classes européennes du patrimoine, les rencontres tri-nationales dans le cadre des Centres de Culture Européenne font figure d’initiatives pionnières. 

Certaines actions pilotes ont été préparées par le Conseil de l’Europe et l’Institut Européen des Itinéraires culturels à titre incitatif. Il s’agit des classes culturelles européennes, du collège de la citoyenneté européenne sur les cultures religieuses en Europe ou encore des classes jardins européennes. Elles sont malheureusement restées confidentielles et mériteraient d’être étendues.

Dans tous les cas, il devrait exister des ponts étroits entre les exigences de formation aux contextes européens des patrimoines requises pour les  médiateurs et celles requises pour les enseignants, tout particulièrement dans le cadre de la préparation des visites et des voyages scolaires.


Pratique contemporaine de la culture et des arts

Dans ce champ d'action, les projets doivent :

 

– susciter une confrontation et un échange, dans une perspective pluridisciplinaire et interculturelle, entre les diverses expressions et sensibilités culturelles et artistiques des différents pays d'Europe ;

 

  encourager des projets et des activités artistiques qui explorent les liens entre le patrimoine et la culture contemporaine ;

 

– mettre en valeur, dans la pratique contemporaine de la culture et des arts, les pratiques les plus novatrices en termes de création, et les confronter à l'héritage des savoir-faire, qu'ils appartiennent aux domaines des arts visuels, des arts de la scène, de l'artisanat de création, de l'architecture, de la musique, des lettres, ou à toute autre forme d'expression culturelle ;

 

– susciter des actions et des réseaux portant sur le décloisonnement entre professionnels et non professionnels, en particulier dans les pratiques d'initiation des jeunes Européens.

 

Si certaines pratiques artistiques sont en quelque sorte intrinsèques aux thèmes : performances musicales ou théâtrales, création architecturale, design mobilier, design graphique, innovations techniques, cinéma documentaire de création, il n’en reste pas moins que la nécessité d’identifier la manière dont des filières de production artistique peuvent être confortées ou relancées, reste très importante. Si le programme encourage à juste titre la mise en valeur de savoir-faire, de traditions et de productions rurales en voie d’extinction, ou bien encore de process artisanaux ou industriels aujourd’hui marginalisés, il s’agit là d’un des domaines où l’impact sur les petites et moyennes entreprises, celles du spectacle et des arts vivants, comme les entreprises agricoles et artisanales peut être le plus important.



Cliché MTP



Tourisme culturel et développement culturel durable

Dans ce champ d'action, les projets doivent :

 

– prendre en compte les identités locales, régionales, nationales et européennes ;

 

– impliquer activement la presse et les médias audiovisuels et utiliser pleinement le potentiel des médias électroniques pour sensibiliser aux objectifs culturels des projets ;

 

– favoriser le dialogue entre culture urbaine et culture rurale, et entre territoires de l'Europe du Sud, du Nord, de l'Est et de l'Ouest, entre espaces développés et espaces en difficulté ;

 

– favoriser le dialogue et la compréhension entre les cultures majoritaires et minoritaires, indigènes et immigrées ;

 

– ouvrir des possibilités de coopération entre l'Europe et d'autres continents à travers les affinités spécifiques de certains territoires ;

 

– prendre en charge, en matière de tourisme culturel, l'éducation des publics, la sensibilisation des décideurs à l'exigence de la protection du patrimoine dans un cadre de développement durable du territoire et la diversification de l'offre autant que de la demande, visant ainsi à faire émerger un tourisme de qualité de dimension européenne ;

 

– rechercher des partenariats avec des organisations publiques et privées actives dans le domaine du tourisme afin de développer des produits et outils touristiques visant tous les publics potentiels.

 

Cette liste de critères additionne en effet des exigences éthiques et des exigences commerciales qu’il est bien entendu souvent difficile de concilier. Elle ne peut se concevoir dans le cadre d’un marché totalement libre, ni dans l’optique classique des produits et des offres touristiques des grands groupes intégrés et mondialisés, contexte pourtant le plus répandu à la naissance du programme. C’est donc grâce aux itinéraires eux-mêmes, par les décisions prises par leurs organes de gouvernance générale et par les différents niveaux de décision publique internationaux, nationaux, régionaux et locaux impliqués, mais aussi grâce à la créativité développée sur chaque thème par les porteurs de projets, que les nouveaux paradigmes environnementaux et économiques ont trouvé leur illustration ou leur application au sein des itinéraires culturels.

Les opérateurs ont dû ainsi inventer de nouvelles approches ou intégrer les nouveaux outils de partage et les nouvelles démarches éthiques et sociales à leurs projets. En vingt-cinq ans, le concept de développement durable ou soutenable s’est non seulement intégré aux discours, mais a trouvé des formes d’expression démonstratives, tandis que les approches proposées par la Convention Européenne du Paysage offraient un champ nouveau intégrateur pour des actions de territoire locales et transfrontalières, parfaitement complémentaires et synergiques avec les approches des itinéraires culturels

 

Les réseaux

 

Comme le précise le Règlement, chaque itinéraire culturel doit se trouver sous la responsabilité d’un Réseau européen juridiquement constitué qui est garant, pour le Conseil de l’Europe et aujourd’hui pour le Conseil de Direction de l’Accord Partiel élargi, de la qualité et de la durée de mise en œuvre d’un thème. Pour être européen, ce Réseau doit refléter, par la composition de ses instances dirigeantes, l’ensemble des partenaires publics et privés des pays et des régions d’Europe traversés ou concernés et prendre en compte un thème ou une partie d’un thème (d’où la possibilité de fédérations de sous-réseaux mais avec une représentation unique). Son financement et son management doivent également reposer sur un partage équitable des responsabilités.

 

C’est la raison pour laquelle une habilitation officielle des réseaux a été mise en place et qu’une évaluation régulière, tous les trois ans, est également prévue par le Règlement.

 

L’une des exigences les plus importantes pour assurer la durée des actions est bien entendu l’autonomie financière des réseaux, du moins en ce qui concerne le financement de leur propre fonctionnement : charges locatives, salaires des personnels permanents, frais de réunion et de missions, politique d’information et de communication.

 

Si ces trois grands domaines et leurs critères constituent la base du dossier que les porteurs d’initiatives doivent constituer, il semble important qu’à cette phase de l’histoire des itinéraires culturels, toutes ces exigences devraient à l’avenir faire l’objet d’un véritable masterplan, accompagné d’un business et d’un management plan qui dépasse le simple dossier exigé actuellement et destiné crédibilise la volonté de travail à long terme. Ceci est vrai de tous les itinéraires culturels, mais d’autant plus pour ceux qui se fondent sur des tracés et donc sur une démarche d’aménagement du territoire et d’intervention sur le paysage dans laquelle l’interaction avec les structures de décision et les populations locales est essentielle. 


Un expert évoquait  récemment qu’un paysage est d’abord caractérisé par sa diversité bio-culturelle. L’itinéraire culturel, qu’il soit fondé sur la redécouverte d’un tracé ancien ou qu’il soit caractérisé par la création de circuits nouveaux et donc générateurs de structurations et de flux, modifie son environnement culturel et naturel. Cet aspect- là qui deviendra de plus en plus important dans une Europe de redécouverte de l’importance territorial devrait être mieux intégré à l’avenir aux Règles d’attribution de la mention. 

                 



Cliché CARP



Quels changements, quelles continuités ?

 

Toute politique de longue durée, que ce soit celle des relais qui ont été pris au cours de l’histoire des itinéraires culturels pour en assurer les sources budgétaires, ou le renouvellement des volontés politiques pour en garder le caractère pertinent et prospectif, implique que pour répondre à un de ses objectifs principaux : la mise en place de routes thématiques et touristiques susceptibles de permettre aux Européens de découvrir les patrimoines de leurs voisins et d’en comprendre les caractéristiques européennes communes et les éléments identitaires spécifiques, il a fallu que le Conseil de l’Europe répondre en permanence aux changements politiques et sociaux  de l’Europe et adapte ses programmes en conséquence.

 

Ce sont quelques-uns de ces changements que nous allons examiner, tandis que nous présenterons ensuite les invariants et les valeurs fondamentales qui constituent l’axe diachronique structurant la période 1987-2011, axe sur lequel des contextes politiques et sociaux et des outils sont venus modifier les modes de perception, d’information, de communication, voire les territoires impliqués.

 

Nous proposerons ensuite un certain nombre de questions auxquelles les itinéraires culturels  répondent de manière transversale en ce qui concerne leurs approches patrimoniales, mémorielles, culturelles et économiques, au-delà même des caractéristiques identitaires des thèmes eux-mêmes.


 


Cliché MTP


Une Europe en changement : Nouveaux pays, nouvelles frontières et nouvelles circulations

 

 

Dès son origine au milieu des années 80, la mise en œuvre du programme du Conseil de l’Europe a correspondu à un enjeu politique : celui de s’appuyer sur le patrimoine historique de chemins de pèlerinage pour rétablir des liens symboliques et matériels entre les nouvelles démocraties issues de la fin des dictatures de la péninsule ibérique qui venaient d’entrer au sein du Conseil de l’Europe et celles qui étaient issues de la Seconde Guerre mondiale et avaient créé toutes ensemble le principe fondamental d’une Organisation européenne fondée sur la Société de Droit et le retour à la Démocratie.

 

Ces itinéraires de pèlerinage étaient par essence pan européens et transfrontaliers et donnaient ainsi à redécouvrir la trace matérielle d’une itinérance historique qui avait par nature persisté au-delà de tous les conflits et des modifications de frontières qui avaient marqué des partages entre les royaumes et les empires, qui avaient provoqué des partages linguistiques et encouragé la défense identitaire.

 

Régis Debray écrit : « On parle de frontière matérielle, mais c’est toujours l’imaginaire qui porte la pensée et définit une frontière comme fondatrice ou historique. »

 

Après 1987, c’est à dire deux années après son lancement, une série de changements politiques très importants sont intervenus qui ont vraiment contribué à modifier ces frontières fondatrices et historiques. On peut citer entre autres : l’ouverture du Rideau de Fer et la formation de nouvelles démocraties au centre et à l’est de l’Europe, l’éclatement de l’ex-Yougoslavie en autant de pays qui sont progressivement devenus des pays membres du Conseil de l’Europe puis de l’Union Européenne, la prise de conscience de la nécessité impérieuse du dialogue méditerranéen et de l’importance du dialogue entre les communautés locales et immigrées, en particulier au sein des villes. Sans oublier, bien entendu, l’entrée au sein du Conseil de l’Europe de pays territorialement importants issus de l’ex-URSS  comme la Fédération de Russie ou l’Ukraine, ainsi que des pays du Caucase du Sud : Géorgie, Azerbaïdjan et Arménie.

 

Tous ces changements géopolitiques ont eu une influence considérable sur l’équilibre des forces au sein de l’Europe et donc sur la manière dont les cultures locales, nationales, immigrées et globalisées se sont confrontées, mélangées ou superposées, mais aussi sur la manière dont le tourisme européen a évolué en ouvrant les frontières à une meilleure circulation des personnes de l’Ouest vers l’Est et inversement.

 

Pour citer de nouveau Régis Debray dans son ouvrage « Eloge des frontières » : « C’est en Amérique du Nord, minimum de diversité dans un maximum d’espace que les rues ont des chiffres. C’est en Europe qu’elles portent des noms. Par un bonheur qui s’est cher payé, il est vrai, elle a pour lot un maximum de diversité dans un minimum d’espace. »

 

C’est cette diversité-là qui a été offerte de nouveau à des parcours touristiques dont le rôle, au-delà de l’offre de loisirs devait être de permettre une redécouverte, dans les deux sens, de patrimoines et de cultures trop longtemps séparées, malgré leur longue histoire commune. Ainsi ce nouveau tourisme s’est-il déployé vers des destinations qui étaient restées longtemps interdites, pour les uns, qui ne pouvaient pas sortir, comme pour les autres qui ne pouvaient pas rentrer.

 

Le processus démocratique aidé par le Conseil de l’Europe a permis à des pays dont les dirigeants avaient fait disparaître le tourisme intra européen et international et dont les responsables avaient également négligé et parfois même détruit tous les patrimoines témoins des périodes pré totalitaires, de restaurer, de mettre en valeur et d’ouvrir de nouveau l’ensemble de leur patrimoine à la visite.

 

Il s’est agi là d’une occasion unique pour les habitants de remettre par la même occasion leur mémoire collective en valeur, de retrouver la fierté de leur identité et de l’ensemble de leurs expressions culturelles. Et par conséquent cela a permis progressivement aux pays plus développés de retrouver des éléments d’une histoire et d’une mémoire perdues et de se les réapproprier.

 

Pour citer Andrei Plesu, premier Ministre de la Culture de Roumanie après 1989 et Ministre des Affaires Etrangères en 1999 lorsqu’il interpellait ainsi à Bucarest tous les invités du lancement de la Campagne du Conseil de l’Europe « L’Europe, un patrimoine commun » : « Pendant longtemps on a interdit à l’Est européen de s’adresser à l’Ouest. Maintenant nous pouvons vous dire, enfin, que vous rencontrer apporte joie et espérance. Donnez-nous une chance pour l’avenir, et nous allons, à notre tour, vous donner une partie de votre propre passé. Nous sommes une partie de votre patrimoine. Récupérez-nous. »

 

 

Nouvelles formes de communication, nouvelles attitudes touristiques et nouvelles prises de conscience en ce qui concerne l’environnement et le paysage

 

 

Par ailleurs, la montée de la notion d’industrie culturelle et son lot de concentration capitalistique mondialisée de la musique, du disque et du cinéma, tout comme les révolutions continues dans les manières dont les touristes s’informent et se déplacent, mais aussi le développement de l’internet à haut débit, puis des blogs et des sites communautaires, ont renouvelé, sur le fond  et pas seulement sur la forme, les modes de consommation culturels et touristiques.

 

Les développements des moyens de communication, aux deux sens du terme : transport et discours, ont bien entendu accentué des contradictions qui existaient depuis le début même du programme, contradictions et tensions entre un pôle citoyen fait de partages de valeurs et un pôle de développement fondé sur le redéploiement de l’activité économique dans un contexte concurrentiel et de marché.

 

Les nouvelles technologies de communication, utilisées avant, pendant et après un voyage, ont ouvert aux touristes, d’où qu’ils viennent, la possibilité de disposer d’une information riche et intégrée, articulant dans une chaîne logique les données théoriques et pratiques trouvés aussi bien sur les espaces de réservation en temps réel, que sur les sites des offices de tourisme et de musées, ou les références culturelles proposées dans un langage hypertexte permettent d’approfondir les connaissances pratiquement jusqu’aux dernières recherches sur un thème.

 

Une flexibilité quasiment complète s’est mise en place tant pour réunir l’information, composer un produit de tourisme culturel, que pour interagir avec lui.

 

Par ailleurs, au moment où les voyages à bas prix se popularisent, pour toutes les générations, augmentant de manière considérable les possibilités de déplacements courts et économiques, mais augmentant par là même la pollution sous toutes ses formes, de nouvelles formes de mobilité se mettent en place qui donnent à l’effort humain une préséance sur l’énergie des machines, qui font l’éloge de la lenteur, combattent les gaspillages et prônent des consommations locales.

 

De même, les contenus patrimoniaux des itinéraires culturels se sont progressivement enrichis et diversifiés au fur et à mesure où l’importance identitaire et symbolique du patrimoine immatériel a fait l’objet d’une véritable prise de conscience et que la dimension oenogastronomique, dans toute sa diversité, est redevenue un élément fondamental de l’accueil et de l’identité culturelle et touristique.

 

Enfin, sont intervenues des prises de conscience nouvelles.

 

Tout d’abord celle qui concerne la notion même de paysage culturel, pris dans la Convention Européenne du Paysage, comme un élément identitaire à la fois local et européen, mais aussi comme un terrain de dialogue, de pratique démocratique et de responsabilité partagé entre propriétaires et usagers. Conscience aussi de la nécessité absolue de protéger l’environnement et d’assurer un développement durable en partageant les ressources naturelles.

 

Ces prises de conscience qui ont évolué étape par étape, souvent poussées par des événements naturels ou industriels dramatiques, ont généré une éco attitude qui est en train de modifier de manière fondamentale le comportement des touristes, tout comme leurs modes de consommation.

 

Eleonora Berti auteur d’une thèse sur la liaison entre itinéraires culturels et paysages culturels et sur la recherche de l’identité européenne à travers cette liaison, conclura cette présentation à caractère historique par une lecture de la manière dont le paysage, depuis l’époque du Grand Tour, paysage réel, rêvé et même aujourd’hui virtualisé, irrigue de manière prédominante la communication et l’imaginaire touristiques.

 

C’est donc sur fond de ces évolutions qui sont plutôt pour certaines d’entre elles des révolutions, que je souhaitais répondre à la question que vous nous avez posée pour ce Forum et vous présenter un ensemble d’images un peu symboliques qui ont marqué les principales étapes de l’évolution du programme et qui annoncent des tendances pour l’avenir.

 

Un historique de l’évolution administrative du programme des itinéraires culturels a été préparé récemment dans le cadre d’une étude engagée depuis quelques mois par la Commission Européenne et le Conseil de l’Europe et a fait l’objet d’une présentation devant les délégués des quatorze pays qui composent à l’heure actuelle le Comité de Direction du nouvel Accord Partiel élargi. On pourra la consulter en annexe.

 

Je n’y reviendrai pas, en tout cas pas de la même manière, mais je vais volontairement me placer aujourd’hui du point de vue des opérateurs et des touristes, plus que du point de vue des institutions.

 


Cliché MTP.


Les valeurs comme axe diachronique

 

Découverte – Patrimoine – Loisirs

 

Histoire – Mémoire – Interculturalité

 

Hospitalité – Partage citoyen – Solidarité – Dialogue interreligieux

 

Economie sociale – Nouveaux paradigmes économiques

 

Durabilité - Compétitivité

 

 


Les évolutions dans leur dimension synchronique

 

Construire un tableau par date résumant l’historique administratif, l’historique politique et l’historique social et technique

 


Les grandes questions

 

Elles portent essentiellement sur les typologies d’itinéraires culturels

 

Pourquoi des itinéraires de pèlerinage ?

 

Routes historiques linéaires

 

Itinérance

 

Mobilité lente

 

Hospitalité – Solidarité – Partage

 

Laboratoire européen à ciel ouvert

 

Pourquoi les circuits d’interprétation ?

 

Des vitrines du développement territorial

 

Des parcours transfrontaliers

 

Des circuits de circuits

 

Une narration européenne par épisodes



Cliché MTP.

 

Comment encourager le dialogue interreligieux ?

 

Reconquête catholique

 

Héritage Al-Andalus

 

Patrimoine juif

 

Comment montrer les grands déplacements ?

 

Conflits et réconciliations

 

Comptoirs, navigation, ports : esprit de découverte et de conquête

 

Mobilités contraintes et voyage des patrimoines immatériels

 

Grands voyageurs

 

Témoignages de l’aménagement du territoire, hier et aujourd’hui ?

 

Routes, Voies, Chemins et Corridors

 

Fondamentaux de l’agriculture

 

Territoires et bassins industriels, process et travail

 

Les ports comme interfaces

 

Comment redécouvrir les patrimoines du tourisme ?

 

Thermalisme, lieux de santé, lieux de plaisir, espaces de bien être.

 

Comment redécouvrir les premiers Européens ?


Le début d'un itinéraire certifié qui répond à cette question se célèbre à Pontevedra.  

 

 


 

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